J’ai fait mes études à la Sorbonne. Tout à côté de chez Mané. Je suis entrée dans la cour, je l’ai trouvée très belle et c’est ainsi que j’ai choisi mon université. Lettres modernes spécialisées. C’était un nouveau cursus qui avait pour but de sortir les étudiants du ghetto du professorat. Cela tombait bien, je ne voulais pas être professeur ! On avait des cours de littérature choisis selon des thèmes, en stylistique on étudiait celui de Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit. J’ai tellement aimé que j’ai eu la mention très bien au certificat. Nous avions aussi des cours d’économie et des cours de vie de l’entreprise. C’était très intéressant de suivre la vie des syndicats, les textes de lois.
J’ai fait les quatre ans de maîtrise. Pour le diplôme, nous devions aller dans une entreprise, j’ai été à Euréquip, une des sociétés où mon père avait travaillé. J’ai fait mon mémoire sur le transfert de technologie dans les pays en voie de développement. Drôle de sujet pour un diplôme de lettres. Comme je disais à la prof qui suivait mon mémoire, il faudrait faire un cours pour nous apprendre à tirer le maximum de notre stage. Elle m’a répondu qu’elle n’avait jamais travaillé dans une entreprise ! Cela m’a laissée songeuse…
Armée de mon diplôme, je suis partie en Bretagne avec mon mari où ne trouvant pas de travail, j’ai fait des remplacements… de prof ! Comme quoi cela vous rattrape !
Revenue à Paris, j’ai décidé de continuer mes études et je suis rentrée au CELSA, une école qui dépendait de la Sorbonne. J’ai choisi, bizarrement, les relations publiques. Pour préparer le concours d’entrée, j’ai lu à peu près tout ce qu’on trouvait sur le sujet. Nous avons eu une étude de cas, c’était très intéressant. Malheureusement, ce fut le seul qu’on ait eu, les professeurs qui étaient des professionnels, impressionnés de faire cours à la Sorbonne, nous faisait pour la dixième fois les philosophies de la communication alors que nous voulions des cas concrets, organiser un cocktail par exemple, rédiger un communiqué… Je travaillais en même temps au Palais des Conférences du Gabon, rue Lincoln, aux Champs Elysées. C’était très amusant de discuter avec tous ceux qui tournaient autour du Gabon. J’ai fait mon mémoire sur le plan directeur du développement du tourisme au Gabon. Je m’étais inspirée des explorateurs et je faisais revivre aux touristes leurs itinéraires. La directrice du Celsa qui était responsable de mon travail m’a dit que c’était bien mais trop court. Elle m’a conseillée de faire une étude de la presse. Je lui ai répondu que cela n’avait aucun intérêt, car il y avait chaque année un article du Canard Enchaîné sur les excès de pouvoir de Bongo, le président et un article du Figaro soutenant sa politique. Et c’était tout.
J’ai quitté ce poste car je me suis sentie un peu en danger, très curieuse, je tombais sur des courriers compromettants que je m’amusais à photocopier, je me suis dit : quel jeu joues tu là ? Je dois signaler que la rue Lincoln abritait l’association France Gabon dirigée par l’ancien précepteur des enfants Bongo. Le 1er vice 1er ministre y avait ses quartiers parisiens. C’était amusant, il louait une Rolls avec un chauffeur blanc ! Au moment des élections, en 1981, ce fut la panique dans les bureaux car le Gabon avait tout misé sur Chirac. Quelques jours plus tard, un monsieur entre et se présente : Guy Penne. Il a su trouver les mots, tout le monde était rassuré : la politique de la France n’allait pas changer. Cela m’a un peu dégoûtée de voir les dessous de la politique franco-gabonaise et je me suis rendue compte que personne ne cherchait à développer le tourisme au Gabon.
Je suis partie à Arcachon, le directrice du Celsa est morte et mort mon mémoire. Exit le Gabon.
Il y avait un organisateur d’une conférence internationale sur les routes qui connaissait bien Bordeaux. Et c’est grâce à lui que j’ai été chargée du recrutement du personnel pour la Foire de Bordeaux. Comme m’a dit le responsable, vous ne connaissez personne, vous ne vous laisserez pas influencer par les pistons. J’étais si peu au courant qu’il m’a donné une petite liste, ceux dont les pistons étaient efficaces. C’est ainsi que j’ai fait connaissance avec les us et coutumes bordelaises, la vie de la province que je ne connaissais pas. C’était au mois de mai, je logeais chez des amis pas trop loin de la Foire, il y avait du lilas qui embaumait, j’étais enceinte, la vie était belle et le canard à toutes les sauces me donnait mal au cœur !
« La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas « Paul Eluard
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