Cher toi
Baisse de moral ce matin, il fait gris, il pourrait pleuvoir et quand il pleut, tout devient boueux. Il tombe déjà quelques gouttes. Cela va compromettre notre déjeuner au village des tisserands . Mais j’ai promis à Hortense, la serveuse, que nous irions déjeuner chez son grand-père, le chef du village. Je suis prête et j’attends que les autres soient prêts.
Je passe un CD de Kathleen Ferrier, cette chanteuse à la voix chaude morte trop jeune. Je me retrouve à Paris où j’ai habité quelques années chez ma tante, dans un grand appartement près du jardin du Luxembourg. J’adore ce jardin, j’allais m’y promener chaque jour. C’est mon enfance que j’y retrouve, quand, à chaque changement d’avion, nous faisions escale à Paris. Je courais voir les reines, je les saluais les unes après les autres. Cela me rappelle Dakar où, chez la voisine qui me donnait des cours de dessin, je reproduisais avec application et ferveur les habits de chaque époque, je prenais plaisir à peindre les grandes robes des dames d’autrefois et je rêvais… Je relevais la tête et je voyais la rangée de filaos, ces petits arbres abîmés par le sel de la mer toute proche… Nous allions ensuite piquer une tête, gardés par un gros saint-bernard, le chien du restaurant Le Virage, qui nous avait adoptés. Nous nous baignions dans une petite crique et le chien se mettait sur un rocher, à la sortie, et dès que nous dépassions une certaine limite, il poussait un gros soupir et nageait vers nous. Nous l’aimions bien, il nous rappelait Belle et Sébastien, ce feuilleton que nous suivions parfois, quand nous trouvions une télévision.
2 heures du matin
Nous avons bien mangé, nous nous en sommes mis plein les yeux. Tout le village était là pour nous recevoir, les grands boubous de cérémonie étaient de sortie. Nous n’avons presque rien vu du village, évidemment, et c’est mieux ainsi. J’ai fait des photos grandioses, chacun posait dans sa plus belle tenue et je vais m’empresser de développer les photos pour les donner à Hortense. Mon atelier marche bien, je prends un grand plaisir à travailler mes photos, à leur donner une certaine épaisseur. J’accueille dans mon atelier, tous les mercredis après-midi, des enfants de Niokokro et nous partons à la découverte du quartier pour shooter ce que nous découvrons. J’adore l’oeil de ces enfants, ils ont une autre façon de voir leur ville. C’est très intéressant.
Tu vois, je suis loin de m’ennuyer ! A propos, j’arrive à Paris pour mon reportage sur la Namibie mais je ne sais quand je pars. Je te ferai la surprise !
J’adore Paris au mois d’août ! Nous irons nous promener au jardin du Luxembourg voir les fleurs des parterres, j’aime particulièrement le jardin anglais où se trouve un chêne pédonculé, je m’assois à côté et je rêve que je suis dans une clairière des Landes. Tu vois, il m’en faut peu pour voyager…
Le voyage, c’est toute ma vie : petite, quand nous déménagions _ et cela arrivait souvent_ nous avions droit à un carton chacun, cela apprend à faire le tri entre le nécessaire et le superflu. Une bonne école. Tu apprends à voir la vie comme elle vient, une des choses que j’ai retenue, c’est de se faire remarquer, parler au taxi par exemple, discuter avec la serveuse ou la propriétaire de l’hôtel, cela afin que s’il t’arrive quelque chose, tu sois aidée. J’ai la hantise de ce client d’hôtel qu’on a retrouvé mort dans sa chambre…
Voilà pour aujourd’hui, la nuit est douce et odorante, je vais me coucher et rêver que je suis dans tes bras, Didier, lovée tout contre toi. A bientôt ?
Arbres de Jacques Prévert
Est-ce… oh… est-ce
la tristesse d’être abandonnée
qui me fait crier au secours
ou la crainte que vous m’oubliez
arbres de ma jeunesse
ma jeunesse pour de vrai
Bonne nuit, Didier. Ta Nadine
0 commentaires