Cher toi,
Devine qui vient d’arriver à l’Okambo ? Frédéric de Challans himself ! Il vient en repérage au Mambo, il a envie de faire un film sur l’Afrique. J’adore ses films, comment donner une impression très forte avec un minimum de moyens. Il va à l’encontre de tous ces grands effets hollywodiens avec leurs budgets faramineux et leurs histoires ineptes. Nous avons bien discuté, il est très intéressé par mes activités, il veut voir mes photos ; il aime beaucoup en intégrer dans ses films, couper le rythme et donner à voir autre chose. Pendant que nous discutions, une femme est arrivée et m’a fait demander. C’est la fille d’Edith M’Baye, Codoue. Elle est venue avec ses deux petites filles, deux adorables petites choses habillées toutes deux de petites jupettes roses et d’un chemisier blanc, avec les plus mignonnes petites tresses perlées que l’on puisse imaginer. Elles veulent faire partie de mes élèves et je crois que je vais tout simplement, dans un premier temps, monter un cours de photo à l’hôtel accueillant aussi bien des garçons que des filles. Ce sera le premier pas de mon grand projet !
J’ai présenté Frédéric à l’ambassadeur, ils ont tout de suite sympathisé, se découvrant une passion commune pour les films africains. Ils ont longuement parlé et nous avons dîné tous ensemble.
2 heures du matin
Les petites filles de cet après-midi m’ont rappelé cette compagne de classe, à Dakar. Elle était placée devant moi et j’admirais sa coiffure, on aurait dit une petite cage pour y mettre des oiseaux. Elle portait de lourdes boucles d’oreilles en or, elle retenait ses lobes déchirés par un fil noir. Dakar. Frédéric de Challans en arrive, il m’a dit que cela a dû bien changer depuis mon enfance. Ce n’est plus pareil mais il a rencontré des gens intéressants. Je dois l’amener demain au village artisanal, c’est un passionné de l’art africain. J’ai passé un hiver à Paris chez ma grand-mère. Ce fut horrible, je m’en souviens encore. Seule illuminait mes jours les cinémas où m’amenait ma tante. J’ai ainsi pu voir de très bons films…. Si mes photos pouvaient plaire à Frédéric ! Je passe un peu du coq à l’âne ce soir, tellement je suis excitée par ma rencontre ! Cela m’ouvre d’énormes perspectives et me conforte dans mon choix de venir m’installer au Mambo. Le pays frémit de toute une vie artistique qui me transporte ! Tu verras, tu seras séduit !
L’air est lourd, saturé d’humidité. Il a plu toute la journée, une grosse pluie morne et triste. Demain il paraît qu’il fera beau. Ce sera mieux pour aller voir les artisans. Tu me manques, tu dois être à Montalivet. J’aime bien cet endroit, ces grands pins qui bordent une plage interminable. Parfois, j’ai des coups de cafard en me souvenant de mon passé aquitain. Je revois ces grandes forêts dans lesquelles nous aimions nous perdre. Profite-bien de ton séjour et reviens moi tout bronzé, tu seras beau, j’en suis sûr. Ne te laisse pas emballer par une jeune femme, souviens-toi, elles sont impitoyables du haut de leur jeunesse arrogante !
De Annie Salager. : Tu te demandes peut-être où je trouve tous ces poèmes sensuels ? C’est une anthologie : l’érotisme dans la poésie féminine de Pierre Béarn, l’inventeur du boulot, métro, dodo. C’était le libraire de ma tante, une petite boutique d’où ce petit homme apparaissait au milieu de tonnes de bouquins. Sa femme, russe, était très jolie et me disait toujours bonjour, ils avaient un très beau chat angora allongé nonchalamment sur les livres. Il ne supportait pas qu’on lui dise bonjour, il était arrogant et majestueux. Un vrai chat !
Corps moulés aux vagues du désir
Obéissez à vos marées
Quand l’océan sur son bras vous emporte
Et vous projette l’un vers l’autre
Somptueusement froissée dans l’attente
La dure, la tendre soie solaire en vous ….
Dors bien, Didier, bercé par la palme des pins… Ta Nadine
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